Outils en ergonomie : mode d’emploi

Camille LAVEAU

consultante-ergonome

Group of business workers working together. Partners stressing one of them at the office

Différents outils d’évaluation sont à la disposition de l’ergonome et plus globalement des préventeurs en santé au travail.

Ces outils sont-ils utiles ? Comment-doivent-ils être utilisés pour servir efficacement la prévention des risques professionnels et l’amélioration des conditions de travail ? Entretien avec Camille Laveau, consultante-ergonome, habilitée Intervenant en Prévention des Risques Professionnels (IPRP) et détentrice du titre d’ergonome européen…

Quels sont d’après vous les principaux outils à connaitre ?

Il s’agit d’un panel d’outils conçus pour quantifier un niveau de contrainte/de risque lors d’une activité de travail. Ils sont relativement simples d’utilisation pour être mis à disposition du plus grand nombre d’acteurs en prévention de la santé.

Parmi eux, on compte par exemple :

  • la méthode APACT, l’Analyse Pour l’Amélioration des Conditions de Travail. L’analyse de la situation de travail est globale et s’appuie sur des normes. Elle prend en considération l’environnement de travail et les conditions sociales.
  • la méthode RULA (Rapid Upper Limb Assessment) est utilisée quand les exigences sur la partie supérieure du corps sont élevées et celles sur la partie inférieure relativement faibles (comme le dos ou les jambes).
  • REBA (Rapid Entire Body Assessment) évalue la contrainte au niveau des membres supérieurs et inférieurs. Pour des activités dites de services ou lorsque l’opérateur utilise tout le corps, quand la posture est statique, dynamique, rapidement changeante ou que la manutention concerne des charges animées ou inertes.
  • la grille MIC (Méthodes des Indicateurs Clés) se focalise sur l’analyse des difficultés liées à la manutention. Elle est conçue pour évaluer deux situations de travail : le levage/ soutien/port de charges et la traction/poussée de charges.

Quelle est la valeur ajoutée de ces outils dans les démarches d’amélioration des conditions de travail que vous menez  ?

Qu’ils soient utilisés par le consultant ergonome lors d’une intervention en entreprise ou par un acteur du service interne de santé, l’utilisation des outils d’analyse est toujours judicieuse. En effet, ils aident à compléter les observations in situ parfois difficilement objectivables.

Ainsi, par exemple, pour des questions pratiques, parce que le salarié observé se déplace
beaucoup ou fait plusieurs tâches simultanément, la grille permettra de découper facilement l’observation en plusieurs séquences, une action difficilement réalisable sans ces outils.

En outre, l’analyse quantitative permet d’obtenir un résultat chiffré, un score à partir duquel on déduit un niveau de risque. Ce niveau de risque est issu des normes AFNOR (Association Française de Normalisation) ou d’études réalisées par l’INRS (Institut National de Recherche pour la Sécurité) ou encore l’ANACT (Agence Nationale pour l’Amélioration des Conditions de Travail).

Cela permet donc au préventeur de spécifier et de restituer son analyse, parfois biaisée par le regard ou le ressenti que porte le salarié sur son activité ou par la grille de lecture personnelle de l’observateur. Mesurer le niveau de contrainte de manière pondérée et scientifique en garantit son adéquation avec la réalité ; l’observation n’en est donc que plus objective.

Enfin, réussir à mesurer un niveau de difficulté permet d’appréhender la priorité d’intervention et de proposer de manière plus cohérente un plan d’actions. Cela facilite la présentation des résultats dans l’entreprise en les rendant lisibles et compréhensibles pour tous. Leur interprétation rendue sans équivoque est un prérequis facilitant le dialogue social et par la même la co-construction de préconisations.

Quels sont les points de vigilance que vous formuleriez en tant qu’ergonome ?

Tout d’abord, l’outil utilisé doit être adapté à l’activité de travail qu’il évalue. Certains ne conviennent pas à certaines situations et sont dans ce cas-là inopérants. Par exemple, la méthode APACT évoquée plus haut est conçue pour le secteur industriel. Son utilisation dans un autre secteur ne donnera des résultats que partiellement concluants.

Par ailleurs, si l’utilisation des outils ergonomiques est pertinente, elle ne peut pourtant se suffire à elle-même et doit être pensée de manière systémique. L’analyse quantitative doit absolument être associée à l’analyse qualitative. Le travail de l’ergonome revient à prendre de la hauteur par rapport aux chiffres, de les contextualiser.

Ainsi, l’emploi des outils ne peut qu’être complémentaire à l’observation continue dite « à mains nues » de la situation de travail ainsi qu’aux entretiens avec le salarié. Il est en effet tout à fait essentiel d’établir un climat de confiance avec la personne qui travaille et de nouer un dialogue avec cette dernière. Cela permet d’accéder au « travail réel » c’est-à-dire au travail tel qu’il est réalisé effectivement et non pas tel qu’il est prescrit par les consignes ou les modes opératoires et de s’interroger sur le pourquoi du potentiel écart entre le prescrit et le réel. Cela est indispensable pour comprendre le travail et garantir in fine l’efficacité des solutions.

En cela, si l’utilisation de ces outils peut en un sens permettre de rendre les acteurs internes de la prévention autonomes, il est important que ces derniers soient formés à leur bon usage et conseillés par un expert en ergonomie pour la juste interprétation des scores.