L’ergonomie appliquée à un projet industriel

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La Maison Johanès Boubée, filiale Vin de Carrefour France, a fait appel au cabinet Ariane Conseil dans le cadre de la réorganisation et de la modernisation de son site de Bayeux : fusionner 2 ateliers en un seul établissement, revoir les lignes de production, transférer une vingtaine de collaborateurs… outre l’importance du chantier technique, la DRH a souhaité associer étroitement les salariés au projet de changement.

Regards croisés sur cette démarche d’accompagnement avec Sandra Verdin, DRH, Pierre-Jean Lamé, responsable du site de Bayeux, et Antoine Dezalay, manager de projet Ariane Conseil.

Qu’est-ce qui a motivé l’intervention du cabinet ?

SV : le rapatriement de ce site de production de sirops et de spiritueux sur le site d’embouteillage de vin allait au-delà d’un simple transfert de postes. Pour les équipes, cela allait non seulement bouleverser leur quotidien mais aussi changer leur métier. Il nous a donc semblé important de faire appel à un ergonome pour la dimension d’accompagnement du changement.

AD : je confirme que notre mission avait 2 composantes : d’une part, s’assurer que le futur site tiendrait compte des recommandations ergonomiques afin de prévenir les risques éventuels sur la santé des salariés, d’autre part accompagner le changement auprès des équipes, dans une démarche participative.

PJL : le diagnostic Pénibilité datant de 2012, nous avions une sensibilité naturelle à la prise en compte des conditions de travail – d’autant plus que le projet a été initié avec un adjoint de production, ex-membre du CHSCT, qui connaissait bien l’atelier transféré. Il est vrai aussi qu’au lancement de cette démarche, la réflexion avec le bureau d’études était déjà bien engagée, des plans dessinés et le budget calé, nous laissant une marge de manœuvre relative, par exemple en termes de circulations des marchandises et des personnes. Néanmoins, l’intervention d’Ariane Conseil a vraiment donné le « go » au niveau de la communication autour du projet. Les gens avaient besoin de savoir de quoi serait fait leur avenir !

Quelles ont été les grandes étapes de la démarche ?

AD : notre première recommandation ayant été d’étoffer la structure projet existante, nous avons constitué 3 groupes d’acteurs clés :

  • un comité de pilotage au national,
  • un comité de pilotage opérationnel au niveau du site, intégrant le chef de projet et l’architecte,
  • et bien sûr des groupes de travail constitués d’opérateurs.

Ensuite, il s’agissait de demander aux salariés quelle serait la configuration idéale du futur site pour gagner en performance et en confort de travail. Pour ce faire, nous avons adopté une technique originale, en imprimant des plans du futur site, sur lesquels les salariés venaient placer des bonhommes et des machines en carton pour tester différents types de configuration : ils pouvaient ainsi imaginer les conséquences des différentes options d’implantation.

Le savoir-faire du terrain a donc été pris en compte dans l’élaboration des plans. Car nous étions en lien en permanence avec le bureau d’architecte et le chef de projet interne, pour réajuster ces plans et étudier la faisabilité des propositions formulées par les groupes. En conséquence, la démarche a permis de prendre en compte les aspects liés à la santé au travail, mais aussi la logique productive : logique de flux, efficacité des relations entre les futurs services, etc.

PJL : cette méthodologie avait effectivement pour objectifs de permettre aux opérateurs de s’approprier le plan proposé, et d’alerter sur des points bloquants éventuels, même si nous pensions avoir déjà tout balayé en amont. L’animation des groupes de travail a été pertinente
en ce sens qu’elle a permis de recueillir plus efficacement les remontées terrain, en veillant au
bon équilibre des débats de manière à faire la part des choses par rapport à l’existant.

Nous avons par exemple intégré des suggestions quant aux passerelles permettant la circulation dans la nouvelle implantation. Cette complémentarité des approches entre ceux qui exercent le métier tous les jours et la vision des managers a été très positive.

SV : certains salariés étaient anxieux de ce changement ; la modification des habitudes de travail et l’introduction dans un collectif plus vaste peuvent générer des appréhensions pour des personnes à l’ancienneté parfois élevée. Nous étions conscients que certains auraient donc plus de difficultés que d’autres à se projeter et resteraient inquiets tant qu’ils n’auraient pas concrètement « sauté le pas ».

S’il revient naturellement à l’entreprise d’envisager la situation future pour améliorer la santé et l’efficacité, il est parfois moins évident de réduire le sentiment d’inconnu : l’affichage d’un plan d’actions simplifié avec les grandes étapes du projet a certainement contribué à diminuer les craintes et les incertitudes.

L’intervention s’est terminée en mai 2014. Le nouveau site a ouvert en décembre 2015. Comment avez-vous fait vivre la démarche dans l’intervalle ?

PJL : avec le début du chantier, nous avons poursuivi les points d’information réguliers par équipe, de telles réunions facilitant l’expression de sensibilités différentes et permettant de se poser des questions. Nous avons également mis en pratique l’une des idées qui avait émergé des groupes de travail, à savoir des visites périodiques du chantier – puis des nouveaux locaux, pour visualiser l’avancement des travaux.

Nous avons suivi une autre recommandation d’Ariane Conseil, à savoir la mise en place d’un « vis ma vie », pour que les opérateurs de l’atelier transféré se familiarisent avec un nouveau contexte, et que ceux du site principal aillent voir en quoi consisterait leur travail de demain sur les sirops ! Cette réciprocité a favorisé les prises de conscience, et rassuré…

SV : au final, l’installation dans le nouveau site s’est bien passée. Sans compter que l’ancien bâtiment étant plus ancien, les conditions de travail ont été améliorées. Ce que j’en retiens, outre le fait que l’on peut toujours anticiper davantage, est que la clé de la réussite est bien d’aller au-delà de ce qui paraît évident – la technique, pour aller chercher chez les collaborateurs ce qu’ils ne vont pas spontanément exprimer, en suscitant des échanges pour créer l’appropriation du changement.

Un mot pour conclure ?

AD : c’est pour moi une très belle démarche, illustrant les apports de l’ergonomie de conception. L’objectif est bien de définir des compromis qui permettront de réaliser l’activité de travail avec un maximum de confort, de sécurité et d’efficacité. À Bayeux, l’impact s’est fait au fur et à mesure, sur les plans du futur site et dans les esprits…